C’est une grande joie de servir le Président.

Un célèbre journal a décrit un jour son établissement comme la cantine préférée d’un des candidats à la présidentielle. en réalité, Honoré est un restaurant de quartier, situé dans le petit village d’Auteuil, créé et tenu par un ex-joueur de piano et trompette passionné de musique, incroyablement zen malgré trois mois (15 mars-15juin) de halte forcée. C’est avec son « tenancier*», Christophe Lormand, que nous débutons notre série « Toute première fois ».

Votre première fois… dans la restauration, dans le métier puis à la tête de son restaurant ?
J’étais passionné de musique plus jeune et pas vraiment par les études. J’ai d’ailleurs été élève au collège Octave Gréard, un collège à Paris qui permet de ne suivre des cours que le matin. On y rencontre donc quantité́ de musiciens, de sportifs, tous ceux qui ont besoin d’avoir leurs après-midis libres pour pratiquer leur sport, leur instrument ou vaquer à d’autres occupations. J’ai arrêté́ les études avant le baccalauréat mais j’ai eu l’occasion, lors de jobs d’été, de travailler régulièrement dans le restaurant familial, dans les Pyrénées Orientales. Lorsque j’ai pris conscience que la musique ne me permettrait pas forcément de gagner ma vie, j’ai opté́ pour ce métier ; j’y ai débuté́ comme serveur, au Louis XIV, puis au Café de la Jatte
à Neuilly, ai gravi les échelons de façon classique : premier maitre d’hôtel au sein de Altitude 95, le restaurant situé au 1er étage de la Tour Eiffel, directeur salarié, jusqu’à ouvrir et créer Honoré, ici Rue Bosio. Il y a seize ans. Je crois que lorsqu’on effectue ce parcours, on sait à quoi on s’attend. On connait les difficultés et les contraintes du métier.

Votre première fois… dans un grand studio d’enregistrement ?
Ah, c’est un beau souvenir. J’étais copiste de partitions, pour un éditeur de musique. L’arrangeur ou le compositeur d’un morceau imagine souvent une chanson ou une musique qui nécessite que toutes les partitions soient ensuite écrites pour chaque instrument. Je gagnais un peu ma vie en faisant ça alors, un jour, je me suis rendu au studio Davout pour remettre à Michel Legrand ces partitions. C’était très grand et impressionnant comme lieu.

Quand le Président de la République vient dîner… pour la première fois ?
Un jour, j’ai reçu un appel du service de la Présidence de la République au cours duquel on me prévient que le Président est susceptible de venir dîner. Comme tout le monde le sait désormais, Nicolas Sarkozy habite tout près, dans la Villa Montmorency, avec sa femme. Une équipe de la sécurité́ est donc venue visiter l’établissement, a vérifié́ toutes les issues, consulté le registre du personnel, pour voir si j’employais depuis peu de nouveaux salariés. M’a questionné et imaginé à quelle table le Président prendrait place, à quelle table les policiers se placeraient… Je me rappelle que lorsqu’il est entré dans le restaurant, il y a eu un grand silence et puis ensuite des applaudissements. Nous étions au début du quinquennat.

Quand le Président et son épouse reviennent diner, ensuite ; souvent ?
Il est revenu ensuite fréquemment mais les clients se sont habitués. Et j’ai vu l’intensité́ des applaudissements disparaitre petit à petit, au cours du quinquennat. L’habitude, la baisse de popularité́ ? Je ne sais pas. Par contre, lorsque Carla Bruni, sa femme, a un jour sorti sa guitare et chanté, devant les caméras qui étaient présentes, ce fut un grand moment.

Votre premier selfie avec des clients célèbres ?
Il n’y en a pas. Ni de cadres au mur, avec des photos d’acteurs ou de personnalités qui ont fréquenté́ et apprécient le restaurant. Ce n’est pas mon truc d’aller déranger des clients pour leur demander de faire une photo ou un selfie. Michel Bouquet, Vincent Perez, Anne Gravoin et son ex-mari (Manuel Valls) ou encore Alain Afflelou, qui habitait Villa Montmorency, sont venus souvent mais je m’occupe de les servir et d’anticiper. Je gère avec mon équipe afin qu’ils se sentent bien, point. La seule chose un peu extraordinaire que j’aie faite, a consisté́, lors des visites du Président, à affecter un collaborateur à l’unique mission de surveiller sa table. Pour anticiper toute demande, de loin, avec un seul regard.

Le premier article qui évoque Honoré dans la presse ?
C’était lors de la campagne de 2012. L’article (voir encadré) évoquait les cantines des candidats. Qu’est-ce qu’on a eu comme monde ensuite, même si ça s’est ensuite calmé ! J’ai découvert alors la puissance et l’importance des médias.

La première interruption forcée… de votre activité́ ?
Comme tout le monde et tous les restaurateurs, j’ai dû fermer. Alors j’en ai profité́ pour me consacrer à ma famille, à d’autres projets. Dans notre métier, la plus grande difficulté́, je crois, tient aux horaires et à la difficulté́ de concilier ce métier avec une vie de couple. Il faut avoir un conjoint solide et tenter de laisser les soucis au travail. Là, nous avons été carrément coupés de tout. Aucune raison de venir au restaurant. Je me suis reposé et ça fait beaucoup de bien. Et j’ai eu également l’occasion de découvrir ce que signifiait l’expression Tous risques et perte d’exploitation pour mon assureur. Je suis assuré chez AXA, depuis la création et « équipé́ » donc d’un contrat multirisque avec perte d’exploitation. J’ai découvert les petites lignes dans mon contrat…

La première commande par téléphone et livraison à domicile ?
C’est drôle que vous évoquiez ceci. Comme tous les restaurateurs, je me suis demandé comment maintenir l’activité́ et ai réfléchi donc à mettre en place du click-and-collect. Mais c’est assez loin de ma vision de mon métier, peut-être de façon assez bête parce qu’il ne me viendrait pas à l’idée de me faire livrer un repas. Et pourtant, c’est bien ce que je fais souvent, pour notre ex-président. Il m’appelle, lui ou Carla, alors qu’elle peut être à l’autre bout du monde. Elle me dit « Il n’a rien à manger ». Alors je lui indique ce que nous avons comme plat du jour. Et je vais livrer le repas à domicile. Ça a été et c’est une grande joie de servir le président et en général les gens qui sont chaleureux, qui aiment discuter. On fait également ce métier pour cette raison

*Tenancier : Personne qui gère un établissement soumis à la surveillance des pouvoirs publics et dont l’ouverture est soumise à autorisation.

LE QUESTIONNAIRE DE PROUST DE L’EXPÉRIENCE CLIENT : RETAIL IS DETAIL
Les nuances sont importantes, les odeurs et les froissements de robe également, tout comme les attentions en boutique ou la home page sur un site internet. On a imaginé́ que Proust revenait parmi nous et concevait un questionnaire, non pas sur les madeleines qui changent tout mais sur les détails qui laissent un bon souvenir en matière d’expérience shopping, voire qui transforment tout.

Quelle est la qualité́ que vous préférez chez un vendeur ou chez un conseiller en boutique ?
Sa compétence professionnelle. (Écoute, analyse, conseil)

Qu’est-ce qui vous caractérise en tant que client, dans une boutique ? Et à quoi êtes-vous très attentif lorsque vous faites un achat en ligne ?
En boutique, c’est le plaisir de voir, toucher, sentir, essayer, comparer. Celui de découvrir de nouvelles choses et d’acheter les meilleurs produits au meilleur rapport qualité/prix en toute connaissance du produit acheté. Pour les achats en ligne, je suis attentif aux avis des précédents clients.

Quel est votre rêve de consommateur, de voyageur ?
Mon rêve de consommateur serait la garantie d’être totalement satisfait, sans autre condition. En voyage, qu’il n’y ait pas de mauvaises surprises et qu’il y ait la possibilité́ de modifier ses choix de départ.

Quelle est l’attention que vous préférez ?
La volonté́ de toujours mieux satisfaire.

Que détestez-vous par-dessus tout ?
L’absence de motivation, la mauvaise foi.

Quelles sont les fautes qui vous inspirent le plus d’indulgence ?
Les étourderies.

Quelle est votre devise en matière de service ou d’expérience client ? Satisfaction garantie.

Y-a-t-il une livraison qui a changé́ votre vie ? Si oui, laquelle ?
Du matériel électrique sur un chantier dans l’heure.

Quelle a été votre pire journée de shopping ?
Un 23 décembre dans les grands magasins.

Les algorithmes au service de l’expérience client, ça vous inspire quoi ?
J’imagine un outil analysant les avis et retours de consommateurs afin d’améliorer la qualité́ globale d’un produit ou d’un service ou de détecter un problème à résoudre.