Dune de Prevoisin and Alexis de Prevoisin in Paris on the 11th of April 2022.

André, Pimkie, The Kase, Kookai, malfaçons dans le Retail.

En 2023, des magasins attrayants et rentables sont comme des maisons. Quand des constructeurs, plus intéressés par l’argent de court terme multiplient les malfaçons, le dépôt de bilan est proche. C’est l’analyse courageuse que propose un bon spécialiste de l’expérience client dans le Retail, les centres commerciaux, Alexis de Prévoisin.

Après la faillite de CamaieuGO SPORT à qui le tour ? Gap ?

Clap de fin d’enseignes qui, selon la formule, tirent le rideau, ou plutôt partent en liquidation ! Circulez, il n’y aurait plus rien à voir ? Trop facile. Sacrifier les enseignes et leurs personnels, est un peu simple. Ne pas s’interroger sur les raisons profondes qui ont conduit à de telles faillites serait irresponsable.

Osons un diagnostic des cinq « malfaçons » qui ont conduit à ces naufrages : c’est un mix entre hyper croissance mal gérée, changement de paradigme commercial omnicanal mal négocié,  et financiarisation intenable pour le retail ; sans compter le rôle inflexible des bailleurs avec leur poids locatif. Première malfaçon : l’introduction de la finance à haute dose chez les commerçants non pas que la finance nuise à financer les projets mais, dans sa version court terme avec endettement jusqu’à « piquouzer » les C-level en interne qui raisonnent en financiers et non plus en commerçants, la  financiarisation du retail et des gouvernances aboutit au contraire de l’esprit commerçant.

Deuxième malfaçon : l’hyper croissance mal gérée. Ce fut le cas pour Camaïeu, parti très fort à l’international avec un grand besoin de beaucoup de capitaux (à rembourser) et parallèlement, une forte pression sur l’ouverture de magasins trop chers payés sur des marchés mal évalués d’un point de vue stratégique.

Troisième (ou première) malfaçon : une capacité d’adaptation léthargique aux changements de marché, à l’évolution du client. GO Sport/enseigne «multi-grandes marques » sans fortes marges n’a pas su prendre certains virages (DtoC des marques, omnicanal, GenZ) et a perdu sa place de leader, doublé par Intersport et Décathlon.

Quatrième malfaçon : un CA qui glisse de l’Off-line, le CA en magasins, vers le On-line (web), associé  à une pression et charge locative trop forte quand on n’a pas réduit son parc de magasins. L’absence de négociations avec des bailleurs inflexibles (sauf exception) a fait des ravages.

Cinquième malfaçon : l’expérience client ! Ces enseignes n’offrent plus depuis quelques années d’expérience  marquante or, les magasins restent des lieux transactionnels mais ils doivent procurer de la chaleur ajoutée, de l’expérience client mémorable. Trop souvent, l’humain a été la variable d’ajustement. Du SBAM au conseil de vente, en passant par les 4 faces d’expériences d’un couple magasin & vendeur (pédagogie produit, divertissement avec la marque, esthétique ou évasion dans l’univers marchand), l’expérience est devenue pauvre voire inexistante, ou reléguée au libre service…

De ce diagnostic découlent directement les prescriptions possibles, qui fonctionnent. Picard Surgelés soutenu par un fond d’investissement, est parvenu à évoluer sur les 5 points ci-dessus. Bref, le commerce n’est pas malade mais certaines enseignes oui, qui sont sous respiration artificielle. Quand les bailleurs deviennent commerçants pour se louer à eux-mêmes, c’est que le bailleur est allé trop loin et se trompe de métier.

C’est aux dirigeants des enseignes de se réveiller, de se battre avec sincérité pour qu’une forme  d’éthique business se réinstalle à tous les niveaux. Les DNVB regardent le modèle avec suspicion mais heureusement, il reste des solutions. On en découvrira quelques unes dans un livre 🙂

 

Alexis de Prévoisin est un cadre dirigeant expérimenté, un baroudeur des magasins. Et l’auteur d’un livre remarqué : Retail Emotions, Retail in motion.