A Miraval, bien avant Angelina Jolie, Diane BJ Koné. En studio, avec Chris Rea.

En 1989, elle enregistre* avec Jon Kelly dans ce studio de légende l’album de Chris Rea qui s’est le mieux vendu, The Road to Hell.

Les femmes dans le monde des studios d’enregistrement et du son ne sont pas nombreuses et sont moins connues, quand elles ont contribué à des disques majeurs, que leurs homologues masculins. Diane Koné, surnommée « BJ », appartient à cette famille restreinte – on peut citer ici aussi Sophie Masson – et plus rare encore, elle a enregistré au célèbre Studio Miraval. Elle est l’une des rares témoins féminins des grandes années du studio fondé Jacques Loussier, celles qui courent de 1977 à 1992. Patrice Quef est manager de cette structure, à proximité de cette Côte d’Azur, et de cette Provence, qui attirent tant et notamment les Anglais.

« Promise », l’album de Sade sur lequel Diane Koné a travaillé.

Comment et pourquoi arrivez-vous à Miraval ?

J’ai été formée prioritairement au studio Marcadet, celui de Saint Denis, qui a accueilli quantité de jeunes assistants ingénieurs du son. Il y avait là-bas à l’époque pléthore d’effets, (réverbs, muti-effets, préamps, compresseurs etc, dernier cri ou vintage, une console SSL (ainsi qu’une Neve plus tard) correspondant aux attentes des acteurs de la production musicale internationale de l’époque et on y travaillait de longues, voire très longues journées, passage obligé pour d’apprendre le métier et progresser. Toute la petite bande qui y travaillait ou y avait travaillé se connaissait, et pouvait à l’occasion s’entraider si on peut dire. Et du coup, un jour Franck Segarra qui connaissait Miraval pour y avoir travaillé m’informe que Chris Rea va enregistrer et que Patrice Quef recherche quelqu’un pour l’aider à l’enregistrement de Road To Hell. Voilà comment j’y suis arrivée. J’y ferai cet album et aussi Porcelain de Julia Fordham, je ne me rappelle plus dans quel ordre.

 

Pourquoi tant d’artistes et de rock stars y descendent- ils et enregistrent-ils ?

Le studio est la raison principale bien sûr, mais aussi la situation : En termes d’équipement, Miraval n’était pas le mieux équipé – pas dans le « délire du toujours plus » de certains studios parisiens -, il y avait une « vieille » console SSL E series, le minimum requis en terme d’effets dont certains assez atypiques je dois dire. De toutes façons, sur la plupart des gros projets, les productions louaient le reste du matériel chez Hilton Sound. En revanche, la live room était intéressante avec la partie chapelle parfaite pour les drums, et des booths pour des enregistrements live dans de bonnes conditions. L’aspect « résidentiel », le fait de pouvoir rester sur place, est attractif bien sûr aussi bien côté travail que vie de famille, et les Anglais adorent la côte d’Azur. Beaucoup sont fous de voitures, ils en ont de très belles et aiment rouler avec. Chris Rea est arrivé en Ferrari et je me souviens que lors d’un day off on était tous allé jusqu’à Mougins visiter le défunt Musée Automobile. Ce qui m’a valu et permis de conduire la Lotus7 de Chris Rea sur le chemin du retour. Il n’y avait pratiquement pas de studio résidentiel à l’époque en France, et pouvoir vivre et travailler sur place, avec toute votre petite famille a un charme certain. Chris Rea y était descendu avec ses 3 J’s : sa femme Joan, et ses filles Josy (Joséphine, celle de la chanson) et leur petite dernière Julia.

 

On vous a donc embauchée sans plus de test, de sélection que ça ?

Eh oui, mais comme évoqué plus haut, être passé par Marcadet et quelques autres studios était comme un blanc-seing. C’est encore le bouche à oreille le plus sûr. Les gros studios français fonctionnaient de manière un peu en moins dure peut-être, en matière de personnel, qu’Outre-Manche où le cursus classique pour devenir ingé était tea boy, tape-op , recording engineer, etc..

 

Quels souvenirs en conservez-vous ?

C’est loin dans ma mémoire car on parle d’un album qui date d’il y a plus de trente ans. Mais curieusement, je l’ai réécouté tout récemment et je ne l’avais pas écouté depuis des lustres. Et justement j’ai noté le son absolument unique, parce que rare, de la Quantec reverb.

 

Quelle a été votre carrière ensuite, est-ce un tremplin que d’être associé à un album d’une star et qui se vend bien ?

Malheureusement non. La fin des années 90 a été très dure pour les studios, avec des mutations technologique et musicale majeures, l’émergence des home studios et de solutions d’enregistrement beaucoup plus légères, des musiques urbaines (plus de programmation). Il a fallu s’adapter. J’ai ensuite travaillé notamment à Davout, à Digital Services, monté un studio au Sénégal, entre autres, puis début des années 2000 j’ai dû choisir une forme de sécurité… Je pense, pouvoir affirmer que j’ai connu la fin des grandes années.

 

Diane BJ Koné travaille désormais chez France Télévisions.

Photo de une : « Livre Studios de Légende, secrets et histoires de nos Abbey Road français » / une salariée de Plantronics à Tijuana – crédit Edouard Jacquinet

 

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